Je pose ici ma réflexions en tant qu’enseignant professionnel externe à l’université depuis plus de 20 ans, sur la formation inductive et le bien-être étudiant.
Formation communication : ou comment le système éducatif a oublié un élément essentiel, le bien être de l’élève / apprenant !
(Crédit image photo de couverture adobe adobe firefly – retouche et montage Photoshop Desjeux Créations – photo adobe stock)
Après plus de vingt années d’enseignement à l’UCO d’Angers, à l’IAE de Rouen et à l’Université Paris V René Descartes PRES Sorbonne Paris Citée, j’ai acquis une conviction profonde : la note est moins importante que de donner envie à l’élève d’apprendre. Cette certitude, forgée par des milliers d’heures passées face à des étudiants, résonne étrangement avec les mots prémonitoires de Marc Bloch écrivant en 1943 sur les méfaits du « bachotage ».
Marc Bloch critique explicitement la transformation de la note scolaire, censée être un simple « réactif » (un outil d’évaluation), en une fin en soi, orientant tout le système éducatif vers la préparation à l’examen plutôt que vers la curiosité et le plaisir d’apprendre. Ce renversement est au cœur de ses réflexions, particulièrement dans son texte « Sur la réforme de l’enseignement » (1943).
Extrait de Marc Bloch sur la note et le bachotage
« …La crainte de toute initiative, chez les maîtres comme chez les élèves ; la négation de toute libre curiosité ; le culte du succès substitué au goût de la connaissance… Un mot, un affreux mot, résume une des tares les plus pernicieuses de notre système actuel : celui de bachotage. (…) L’enseignement secondaire, celui des universités et les grandes écoles en sont tout infectés.
‘Bachotage’. Autrement dit : hantise de l’examen et du classement. Pis encore : ce qui devait être simplement un réactif, destiné à éprouver la valeur de l’éducation, devient une fin en soi, vers laquelle s’oriente, dorénavant, l’éducation tout entière. On n’invite plus les enfants ou les étudiants à acquérir les connaissances dont l’examen permettra, tant bien que mal, d’apprécier la solidité. C’est à se préparer à l’examen qu’on les convie. »
Bernard Lahire critique lui aussi vivement le système de notation à l’école française, qu’il accuse de détourner l’éducation de son objectif initial – transmettre des connaissances et susciter la curiosité. Dans son livre tout récent, « Savoir ou périr » (Seuil, août 2025), il affirme :
«Comment ne pas voir que tout ce cirque de la préparation des contrôles, des examens, des concours n’a strictement rien à voir avec la qualité des apprentissages, la profondeur des compréhensions et la curiosité à découvrir des choses nouvelles ?»
Cela sert un système : l’université qui se glorifie de son taux de réussite. Cela alimente des bases de données pour classer les pays qui ont des bons élèves et les écoles entre elles. Bernard Lahire, d’ajouter la « terreur » vécue par l’enfant face à la peur des contrôles, des fautes, des mauvaises notes, et du jugement scolaire :
«La terreur, c’est celle de l’enfant qui a peur des contrôles, peur de faire des fautes, peur des mauvaises notes, peur du jugement scolaire et de la réaction de ses parents. La peur ne prédispose pas à comprendre et à apprendre. L’obsession évaluative a détourné l’école de sa fonction de transmission des connaissances. L’institution scolaire fonctionne comme une machine à évaluer, à classer et à trier, et comme par définition seule une minorité d’élèves parviennent au sommet des classements, la majorité des élèves sont maltraités. Même les meilleurs vivent parfois dans la crainte de perdre leur place.»
Lahire insiste sur la nécessité de « retrouver le plaisir du savoir » et que le système éducatif « tourne à l’envers » : « programmes surchargés, pilotage par l’évaluation, bachotage… Notre système scolaire ‘fonctionne à l’envers’ et détruit la curiosité des enfants »
Quatre-vingts ans plus tard, je constate que nous n’avons pas suffisamment tiré les leçons de ces analyses. Dans mes cours de communication inductive en à l’université, je vois encore trop d’étudiant.e.s me demander : « Professeur, est-ce que cela tombera à l’examen ? » plutôt que : « Professeur, comment puis-je utiliser cela dans ma future vie professionnelle ? » C’est véritablement un élément fondamental pour moi. Quand je transmet un concept ou une une idée, à un apprenant c’est pour qu’il gagne confiance en lui. Pour planter la graine de l’appétence pour ce sujet, qu’il s’agisse de stratégie de communication, de webmarketing, de SEO, de design graphique et PAO... L’objectif est bien que dans ses stages, dans son taff demain il puisse mettre en œuvre plus facilement le concept. Qu’il est du sens pour passer à l’action.
Cette obsession de la notation génère ce que Bloch appelait « la crainte de toute initiative, chez les maîtres comme chez les élèves ; la négation de toute libre curiosité ». J’ai choisi de prendre le contre-pied de cette approche en développant une pédagogie inductive qui place l’épanouissement de l’étudiant au cœur de ma démarche. De mon point de vue le système marche sur la tête. Alors plutôt que de prendre du Guronsan, j’essaye de faire grandir mes élèves.
Ma méthode d’enseignement s’appuie sur trois piliers fondamentaux :
La curiosité comme moteur d’apprentissage : Plutôt que d’assommer mes étudiants avec des théories abstraites, je pars de leurs questions, de leurs expériences, de leurs projets. En communication d’entreprise, par exemple, je les invite à analyser des situations concrètes qu’ils ont vécues en stage ou qu’ils observent dans l’actualité ou auprès de leurs proches. Cette approche de l’apprenant vers le formateur (bottom-up) permet de créer du sens avant d’introduire les concepts théoriques.
La confiance en soi comme préalable à l’expertise : Je refuse de considérer mes étudiants comme des « récipients vides » à remplir. Chacun arrive avec un bagage, des expériences, une personnalité unique. Par exemple dans mon cours sur la communication de marque à l’UCO, chacun a son regard sur la marque, sa pratique, et apporte l’exemple d’un influenceur qu’il adore, ou d’une boutique bio où il/elle aime bien se rendre parceque cela correspond à ses valeurs. Mon rôle n’est pas de les formater mais de révéler leurs potentiels. Quand un étudiant introverti découvre qu’il excelle dans la communication écrite ou digitale, quand une étudiante timide réalise sa capacité à mener des entretiens individuels, alors l’apprentissage devient transformateur.
L’erreur comme alliée de l’apprentissage : Dans mes cours, l’erreur n’est pas sanctionnée mais explorée. Comme le souligne si justement Charles Pépin dans son livre « les vertus de l’échec ». L’erreur est constitutive de l’apprentissage. Alors je pose l’exercice, les consignes, les élèves me présente un premier projet. je commente avec bienveillance pour éclairer sur les points qui me semble encore incompris. Ils rebossent le sujet. Me le présente une 2e fois. Et suite à mes nouveaux commentaires ils repartent de mon cours avec une meilleure compréhension du sujet. L’erreur devient une opportunité de compréhension approfondie. Cette philosophie libère les étudiants de la peur de se tromper et ouvre l’espace à la créativité et à l’innovation.
L’émergence de l’intelligence artificielle dans l’éducation renforce ma conviction que la curiosité doit primer sur la notation. Face à ChatGPT et autres outils d’IA, que vaut une évaluation basée sur la restitution de connaissances ? L’enjeu n’est plus de mémoriser mais de savoir poser les bonnes questions, d’exercer son esprit critique, de développer sa créativité.
En communication d’entreprise, j’encourage désormais mes étudiants à collaborer avec l’IA pour explorer des stratégies de communication innovantes. L’objectif n’est pas de reproduire ce que l’IA propose mais de la questionner, de l’enrichir, de la personnaliser. je les invite à utiliser Perplexity, Claude, ou Mistral… Cette approche collaborative développe leur capacité d’analyse et leur esprit critique bien mieux qu’un QCM traditionnel.
L’IA devient alors un révélateur de curiosité : celui qui pose des questions pertinentes, qui reformule, qui creuse, qui expérimente, développe des compétences bien plus précieuses que celui qui se contente de noter la première réponse obtenue.
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Les mots du professeur Keating dans « Le Cercle des Poètes Disparus » résonnent puissamment dans ma pratique pédagogique. Quand il encourage ses élèves à « saisir le jour », à penser par eux-mêmes, à trouver leur propre voix, il incarne cette résistance nécessaire face à un système qui contraint l’élève à suivre une voie qui n’est pas forcément la sienne.
J’ai vu trop d’étudiants brillants s’éteindre dans des cursus qui ne leur correspondaient pas, simplement parce qu’ils avaient « de bonnes notes ». J’ai vu à l’inverse des étudiants considérés comme « moyens » s’épanouir dès qu’ils trouvaient leur domaine de prédilection. La substantifique moelle de l’apprentissage inductif, c’est précisément cela : faire grandir l’élève en révélant ses talents uniques plutôt que de le couler dans un moule préétabli. Notre société « formate » l’apprenant mais ne l’ouvre pas à la curiosité du monde et à l’esprit critique.
L’Éducation Nationale et le système universitaire ont, à mon sens, oublié l’essentiel : le bien-être de l’élève. Nous avons construit des machines à diplômes efficaces mais avons-nous créé des humains épanouis, critiques, créatifs ?
Mes vingt années d’enseignement m’ont convaincu que la performance académique et le bien-être ne s’opposent pas, bien au contraire. Un étudiant qui trouve du plaisir dans l’apprentissage, qui développe sa confiance en lui, qui nourrit sa curiosité naturelle, obtient des résultats durables et transférables.
Il est temps de remettre l’humain au cœur de nos préoccupations pédagogiques. Non pas par angélisme, mais par efficacité. Car au final, qu’est-ce qui compte le plus : former des étudiants capables de réciter parfaitement leurs cours ou développer des individus autonomes, créatifs et épanouis ?
Il serait peut-être judicieux de jeter un coup d’oeil à l’internationale. En Europe dans d’autres pays il y a des pratiques alternatives fascinantes. En Finlande, par exemple, les évaluations chiffrées n’apparaissent qu’à partir de 13 ans. Avant cela, les enseignants privilégient les retours qualitatifs, les portfolios de progression et l’auto-évaluation. Le résultat ? Une des populations les plus performantes au monde selon PISA, mais surtout des élèves qui conservent leur plaisir d’apprendre.
Au Danemark, le système d’évaluation par compétences remplace progressivement les notes traditionnelles. Les étudiants sont évalués sur leur capacité à mobiliser leurs connaissances dans des situations concrètes plutôt que sur leur capacité à restituer des savoirs décontextualisés. Cette approche rejoint parfaitement ma pratique en communication d’entreprise où j’évalue mes étudiants sur des projets réels plutôt que sur des partiels théoriques.
L’Allemagne, avec son système d’apprentissage dual, démontre l’efficacité d’une évaluation continue intégrée au processus d’apprentissage. Les apprentis sont évalués sur leur progression, leur capacité d’adaptation et leur évolution personnelle autant que sur leurs performances techniques.
Ces exemples me confortent dans l’idée que nous pourrions, en France, expérimenter des approches similaires. Imaginez des étudiants évalués sur des portfolios de projets, des présentations orales, des créations collaboratives, des résolutions de problèmes réels d’entreprises… Cette approche développerait leur confiance, leur créativité et leur employabilité bien mieux que nos traditionnelles batteries de contrôles continus.
Ma conviction, forgée par des années d’expérience en formation inductive, rejoint les intuitions de Marc Bloch : nous devons redonner à l’éducation sa finalité première, qui n’est ni la note ni le classement, mais l’épanouissement de l’intelligence et de la personnalité.
Cette révolution ne nécessite pas de bouleverser tout le système d’un coup. Elle commence par des gestes simples : valoriser une question pertinente plutôt qu’une réponse parfaite, encourager l’expérimentation plutôt que la reproduction, cultiver la confiance plutôt que la peur de l’erreur.
C’est cette approche que je continuerai à défendre et à pratiquer, car je suis persuadé que l’avenir appartient à ceux qui sauront apprendre tout au long de leur vie, et non à ceux qui auront simplement su obtenir de bonnes notes à un instant donné.
Plus de 30 ans d’expérience en communication d’entreprise et de marque
Alexis Desjeux, responsable pédagogique de l’agence Desjeux Créations, enseigne à l’université et forme des professionnels de la communication depuis plus de 20 ans.
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